Le Blog Rétro de Crapahute
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Mon cousin Guillaume s’était acheté une Mattel Intellivision (d’occasion je crois) avec plusieurs jeux. J’étais pantois. Les jeux étaient géniaux : Burger Time, Dungeons & Dragons, Auto Racing, Tennis… Tous ces jeux étaient magiques.
Une telle abondance de jeux, qui plus est en couleur, me faisait oublier tous les Pongs de mes rêves. Même les graphismes de l’Atari 2600 faisaient pale figure à côté de la haute résolution de l’Intellivision. Seul bémol le disque de direction des manettes que j’avais un mal de chien à maîtriser.
Mattel démarre la commercialisation de son Intellivision sur le marché français à l’été 1982, soit deux ans après la sortie américaine. Installé en France depuis 1971, elle bénéficie d’un solide réseau de distribution dans le secteur du jouet et de la grande distribution. Dès le début le principal argument de vente est la supériorité technologique face au concurrent Atari.
Mattel a commencé le développement de sa console Intellivision moins d’une année après l’introduction de sa principale rivale, l’Atari 2600. C’est donc en 1980 qu’elle arriva sur le marché.
L’Intellivision, contraction de Intelligent Television, était la concurrente la plus sérieuse de la console d’Atari qui était en compétition également Fairchild, Nally et Magnavox. Aux Etats-Unis, des publicités comparaient impitoyablement les capacités de l’Atari 2600 avec celles de l’Intellivision.
Au bout d’un an, une vingtaine de jeux développés par des sociétés tierces étaient disponibles. Mattel s’aperçut que les bénéfices potentiels étaient bien plus importants avec les logiciels et monta son propre groupe de développeurs, les Blue Sky Rangers. Leur identité était gardée secrète pour ne pas risquer qu’ils soient débauchés par Atari.
Je ne me souviens pas précisément du tout premier jeu auquel j’ai joué sur l’Intellivision de mon cousin, ni même de tous les titres qu’il possédait. Néanmoins certains jeux m’ont laissé un souvenir indélébile.
C’est un jeu de plateforme où l’on doit escalader des échelles pour ensuite se déplacer sur les ingrédients de hamburgers tout en évitant des ennemis (saucisse, cornichon et œuf).
Une fois qu’on a bien piétiné un ingrédient (pain, salade, steak…), celui-ci tombe d’un étage emportant au passage d’éventuels poursuivants, pour finir par former un hamburger complet au bas de l’écran.
C’est la première fois de ma vie que je voyais un burger et il a fallu m’expliquer ce qu’était ce sandwich pour le moins incongru à mes yeux.
Quand plus tard je goûtai mon premier hamburger en Angleterre, je devais avoir 17 ans, j’eus une petite pensée pour ces nombreux sandwichs virtuels que nous avions composés alors.
Dans Auto Racing, on pilote une formule 1 sur plusieurs circuits, seul ou contre un deuxième joueur. Les voitures ont différentes caractéristiques et les circuits sont plus ou moins durs. La course est vue de dessus. La voiture accélère automatiquement à fond laissant au joueur le soin de freiner et de diriger.
Et la direction, c’était là tout le problème pour moi. Je n’y arrivais pas et je finissais invariablement dans le décor.
Deux versions du jeu existent. Dans la première sortie, pour diriger la voiture vers le bas par exemple, on presse le disque de la manette vers le bas. Pour aller au sud-ouest, on presse le disque dans cette direction, etc. La direction de la voiture dépend de l’une des 16 positions possibles de la manette.
Devant le nombre de plaintes des joueurs, Mattel a fait une mise à jour et dans cette nouvelle version, pour tourner à droite on presse le disque à droite et à gauche pour aller à gauche. Cependant rien ne fut signalé sur les boites et en achetant le jeu on ne savait pas quelle version on avait.
Je ne me souviens pas quelle était la version à laquelle nous jouions, mais je sais que ce jeu est à l’origine de ma détestation de la manette de l’Intellivision.
Advanced Dungeons and Dragons, renommé en 1983 Advanced Dungeons and Dragons: Cloudy Mountain pour le distinguer de sa suite est sorti en 1982. C’est le premier jeu sur la console à utiliser une ROM de plus de 4Ko !
Le jeu n'entretient en réalité qu'un très lointain rapport avec le jeu de rôle dont il s'inspire et tourne en fait autour de l'exploration d'une série de labyrinthes générés aléatoirement à la recherche d'armes et de trésors.
Cependant, déplacer le petit point sensé représenté notre aventurier sur la carte à travers des contrées sauvages était excitant. La vue change une fois que l’on pénètre une montagne et l’on parcourt des couloirs infestés de monstres.
Ces couloirs se dévoilent à nous au fur et à mesure que l’on progresse ne sachant pas ce qui se tapie devant nous, monstres ou trésors. Des traces ou des bruits peuvent nous renseigner des dangers qui nous attendent.
Ce jeu fut pour moi le premier contact avec l’univers de l’heroic fantasy. J'ai adoré l'ambiance. Plus tard je découvrirai The Hobbit et l’univers de Tolkien, j’achèterai ma boite de jeu Donjons & Dragons et je jouerai aux vrais jeux de rôle.
PGA Golf est un jeu de golf qui se joue en vue du dessus.
Jusqu’à 4 joueurs peuvent s’affronter sur un parcours de neuf trous.
Chaque joueur dispose de 9 clubs. On peut donner de l’effet à sa balle (hook et slice) et l’on contrôle la force que l’on veut donner à son coup. Les balles hors limite ou tombant dans l’eau apportent des pénalités.
Bien que les graphismes paraissent aujourd’hui sommaires, rien ne manque : bunkers, rough, fairway, arbres… Toutes les composantes du golf sont simulées.
Encore une fois, c’est grâce à ce jeu que j’ai découvert ce sport. Par la suite, j’ai toujours aimé les simulations de golf et j’ai même fini par devenir golfeur moi-même !
Avec sa console qui techniquement explosait sa rivale l'Atari 2600, Mattel aurait pu gagner la bataille commerciale mais en 1980, Atari joua un coup de maître en sortant une adaptation de Space Invaders sur sa console.
Le monde entier voulait posséder ce jeu à la maison et les ventes de consoles Atari 2600 explosèrent !
Cependant, quand je découvris la console de mon cousin, la fièvre Space Invaders était en train de retomber et en ce qui me concernait, c'était la Mattel Intellivision qu'il me fallait !
Je ne connaissais pas encore le magazine Tilt, mais dès son premier numéro il y était dit que parmi les 3 consoles disponibles en France (les 2 autres étant l'Atari 2600 et la Philips Videopac), l'Intellivision avait notament les meilleurs graphismes.
Été 83, j’ai onze ans, et j’ai un plan. Je vais tout faire pour persuader mes parents de m’acheter une console Intellivision au noël prochain.
Je retourne en vacances chez mes grands-parents où je retrouve mes cousins.
Guillaume me met entre les mains les numéros 5 et 6 du magazine Tilt… et mon sang ne fait qu’un tour.
L’impensable s’est produit ! Il existe une machine encore plus puissante, encore plus désirable que l’Intellivision !
Tilt fut le premier magazine en France entièrement consacré au jeu vidéo sur ordinateur et console. Je ne savais pas alors qu’un tel magazine existait.
Le magazine Tilt m’accompagnera pendant des années. C’était une source d’information précieuse pour un garçon comme moi qui habitait loin de tout. J’adorais les couvertures en "images de synthèses" de Jérome Teyssere. Je m'extasiais devant les screenshots des jeux tout en dévorant les articles.
Ce jour-là, j'ouvre pour la première fois ce magazine mythique et j’y découvre entre autre le test d’une nouvelle console, la Colecovision.
De plus sont testés les jeux Zaxxon, Donkey Kong et les Schtroumpfs. Je suis sur le cul !
Les graphismes sont à tomber et je manque de me fracturer la rétine en bavant devant ces photos d’écran pourtant lilliputiennes. C’est bien simple, on dirait la copie conforme des jeux d’arcade.
En Europe, la console de Coleco était distribuée sous le nom de CBS ColecoVision. D’ailleurs entre nous, on disait qu’on jouait à la CBS. CBS Electronics avait racheté Ideal Toys dont la filiale Ideal Loisirs fut chargée de distribuer la console en France à partir de juin 1983.
Le slogan de CBS (Coleco) " De vrais jeux de café exclusifs en cassettes chez le consommateur" n’était pas usurpé (ou en tout cas ne le semblait pas). Ces photos d’écran, c’était effectivement la promesse d’avoir l’arcade à la maison.
Ma lecture terminée, la conclusion est claire, c’est la machine qu’il me faut. Guillaume n’a pas besoin d’en rajouter. Intérieurement il se réjouit de la perspective de jouer à cette console chez moi.
Oui mais voilà, la bête est chère (1800F, soit plus de 500€ d'aujourd'hui en tenant compte de l'inflation). Comment faire pour arriver à mes fins ?
C’est à ce moment que j’ai décidé d’inclure mon petit frère dans l’équation. La console de jeux serait pour nous deux. Le seul hic, c’est que Mathieu, mon frère, n’a que 6 ans. Comment mes parents pourraient avaler que mon cadet puisse être intéressé par cette console, ce monstre de technologie ?
Mais j’avais la réponse sous les yeux, dans ce magazine Tilt avec le test du jeu Schtroumpfs. L’article est clair, il y est même dit que le jeu est plus proche du dessin animé que du jeu vidéo. Un jeu parfait pour un jeune enfant !
A cette époque, il était un peu incongru de brancher quoique ce soit sur la télévision. C’est comme si aujourd’hui on vous disait que vous alliez pouvoir brancher votre cafetière sur votre réfrigérateur. Vous vous demanderiez légitimement comment et pourquoi faire ?
Je me souviens des réticences de mes parents qui avaient abandonné depuis peu leur petite télé noire et blanc qui s’éteignait quand elle était trop chaude (il fallait choisir si on voulait regarder le début ou la fin du film) pour une flambante télé couleur Philips de 66cm. Les consoles de jeu vidéo n’abîmaient-elles pas les téléviseurs ?
Après de longs mois de travail de sape auprès de mes parents, l’un de mes plus beaux noëls arriva.
En plus du jeu Donkey Kong inclus avec la console, mes parents nous avaient acheté Zaxxon (un superbe jeu 3D), Gorf (une variante de Space Invaders) et bien sûr le jeu des Schtroumfs.
Plus tard, j’aurai également Cosmic Avenger (un genre de Scramble). J’étais un joueur comblé au-delà de toutes mes espérances.
Le soir de noël, mon frère et moi avons joué très tard, jusqu’à tomber de sommeil devant la télé. Quand le lendemain nous avons voulu redémarrer la ColecoVision, l’écran de la télé s’obstinait à rester noir. Mes parents durent rapporter la console chez le marchand.
En fait nous avions laissé le transfo branché le reste de la nuit et il avait grillé. Cela nous servit de leçon : il ne faut pas laisser le transfo de la Coleco branché quand on ne s’en sert pas.
Coleco (contraction de Connecticut Leather Company) a lancé la ColecoVision en 1982 aux Etats-Unis. Une douzaines de jeux étaient disponibles au lancement de la machine.
La majorité du catalogue de la console est constitué de conversions de jeux d’arcade.
Coleco a même commercialisé un module permettant de jouer aux jeux Atari 2600 sur la ColecoVision et cerise sur la gâteau, on disposait avec ce module de 128 couleurs contrairement à la version SECAM de la console Atari qui n’en proposait que 8.
Si Atari a fait fortune grâce à Space Invaders, la ColecoVision a immédiatement décollé grâce à Donkey Kong qui était livré avec la console.
Zaxxon était LE jeu auquel je rêvais de jouer. A lui seul, il justifiait à mes yeux l’acquisition de la console ColecoVision.
Pour moi cette œuvre était révolutionnaire en proposant au joueur de faire évoluer un vaisseau spatial en 3D. C’est d’ailleurs le premier jeu à avoir employé la projection axonométrique (zAXXON venant du terme AXONometric projection) qui est une projection isométrique pour simuler la 3D.
Bref, c’était hyper impressionnant et je me pâmais devant la gestion de l’ombre du vaisseau portée sur le sol. Du jamais vu !
Il s’agit de l’adaptation du jeu de café de Sega qui fut le premier jeu d’arcade à bénéficier d’une publicité à la télévision américaine.
Si aujourd’hui l’animation de cette version sur ColecoVision paraît saccadée, à l’époque je la trouvais extraordinaire.
Aux commandes de mon vaisseau je parcourais avec délice les deux forteresses de l’espace pour y dénicher le robot Zaxxon pour le détruire.
Et parce que quelques images sont plus parlantes que des paroles, voici un aperçu de Zaxxon sur les différentes consoles en pointe sur le marché de l'époque.
Turbo est un jeu de voiture hyper réaliste à l’époque. C'est un jeu de café édité par Sega.
Notre voiture s’élance sur l’asphalte dans une course effrénée à travers différents paysage, ville, campagne, bord de mer, dans des tunnels et même sur la neige !
J’y ai joué chez mon copain Benoît qui avait également une ColecoVision. Ce fameux jeu était fourni avec un volant et une pédale. Une manette de la console venait s’encastrer dans le module afin de faire office de levier de vitesse.
La sensation était extraordinaire. Les paysages défilaient à une vitesse folle sous nos yeux ébahis. Grâce au module de "simulation" nous pensions prendre un leçon de conduite.
Notre concentration était au maximum afin d’éviter les autres concurrents ainsi que les flaques d’huile traitresses enclines à nous faire déraper.
J’ai joué à ce jeu chez des cousins qui avaient aussi une ColecoVision.
Très inspiré de Pac-Man, Lady Bug (coccinelle en français) apporte plusieurs variations par rapport à son modèle, comme la possibilité de changer la disposition du labyrinthe en faisant tourner des portes.
En ramassant des lettres afin de former le mot SPECIAL, on accède à un écran bonus où l’on doit manger un maximum de légumes.
C’est un bon substitut à Pac-Man qui lui, à mon grand désespoir, n’est pas sorti à l’époque sur ColecoVision.
La légende veut que Coleco ait fait exprès de faire des conversions de moins bonne qualité des jeux dont ils avaient achetés les license sur les consoles autres que la sienne (voir Zaxxon et Donkey Kong ci-dessus).
Cela a été démenti plus tard. La qualité des jeux ne dépendaient que des limitations des consoles, des délais impartis et du talent des équipes (souvent des sociétés externes) chargées des conversions.
De la même façon, il s’est dit qu’AtariSoft qui a programmé Pac-Man sur ColecoVision n’a pas sorti le jeu à l’époque tellement il était meilleur que sur les machines d’Atari.
Et cela est fort possible !
En effet, Atari avait sorti dès 1982 aux Etats-Unis l’Atari 5200, une console créée dans le but de concurrencer la ColecoVision et l’Intellvision.
Heureusement le prototype de Pac-Man sur ColecoVision nous est parvenu et aujourd’hui on peut effectivement constater le remarquable travail qui avait été fait sur ce jeu.
Comme je l’ai déjà évoqué auparavant, je ne vais pas m’étendre sur toutes les consoles et autres jeux électroniques que j’ai pu croiser à l’époque. J’ai effectivement eu l’occasion de jouer sur de nombreuses machines chez des amis ou des connaissances.
J’ai par exemple joué sur de plusieurs consoles Pong, sur Microvision, sur Atari VCS ou encore sur VideoPac.
Ma ColecoVision déchirait tellement l’Atari 2600 techniquement que j’en étais arrivé à dénigrer cette dernière.
Cependant il m’est arrivé d’y rejouer chez des cousines quelques temps après avoir eu ma ColecoVision et Décathlon et Pitfall! m’ont remis en question.
La puissance ne fait pas tout et un bon jeu reste un bon jeu.