Le Blog Rétro de Crapahute
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En 1987, ma banque me contacte : bonne nouvelle mon numéro de compte a été tiré au sort, j’ai gagné un micro-ordinateur ! C’est la seule fois où j’ai gagné quelque chose et ce, sans même participer à un concours. Il s’agissait d’un Amstrad CPC 6128 couleur. Quand je suis allé à St-Lo retirer mon prix dans la boutique informatique partenaire du Crédit Agricole, j’ai demandé si à la place je pouvais avoir un Atari 520ST dont le prix avait incroyablement baissé et était sensiblement le même que celui de l’Amstrad (sans moniteur). J’étais vraiment en veine parce que le sympathique commerçant accepta.
L’Apple Macintosh que j’avais découvert dans les magazines m’intriguait. Je le trouvais à la fois novateur et cool même s’il avait un côté austère. Bien sûr ce genre de machine hors de prix était inaccessible. Mais soudain l’Atari ST arriva sur le marché avec une architecture équivalente et pour un prix inférieur il proposait même la couleur.
De retour à la maison je m’empressai de brancher ma nouvelle machine sur la télé familiale. L’usage de la souris me dérouta. J’essayai le ST Basic présent sur la disquette fournie et j’en fus déçu. Après une heure d’essais, je rangeai la machine dans son carton que je remisai dans un coin pour ne plus y toucher avant… un an.
En effet à l’époque mes centres d’intérêts avaient quelque peu changé. Outre le fait que je pensais que mon Amstrad me suffisait amplement, les copains et les copines occupaient tout mon temps. Et puis hors de question de retourner sur la télé de la maison alors que j’étais tranquille dans ma chambre avec mon CPC et son moniteur vert.
Apple Macintosh, un rêve inatteignable
Lors de sa sortie en 1985, l'Atari ST se positionne en concurrent direct du Macintosh d'Apple commercialisé l'année précédente.
L'Atari ST a particulièrement marqué l’histoire informatique comme la machine ayant permis l'essor de la musique assistée par ordinateur et la démocratisation de la norme MIDI.
Ce nouveau micro-ordinateur doit devenir le nouveau fer de lance d'Atari qui est alors au plus mal à la suite du récent krach du jeu vidéo. La société vient juste d'être rachetée par Jack Tramiel, rescapé des camps de concentration de la seconde guerre mondiale devenu homme d'affaires très influent à l'époque dans le milieu informatique. Après sa première présentation au public, les différents médias parlèrent du Jackintosh d’Atari.
L’Atari ST rencontre rapidement un succès conséquent en Europe dans des pays comme la France, l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Il obtient aussi un certain succès en Australie ou au Canada. Aux USA, malgré la popularité de la firme nationale Atari, il ne sera étonnamment pas largement diffusé et se limitera à un marché de niche en raison de la concurrence du PC et d'Apple.
Le ST est une machine extraordinaire, 512 Ko de mémoire vive, un lecteur de disquette 3,5", un système d’exploitation moderne (TOS) avec une interface graphique (le GEM) utilisable à la souris, 16 couleurs parmi 512 en basse résolution (320x200 pixels) et un splendide mode haute résolution affichable sur moniteur monochrome (640x400 pixels) idéal pour les programmes sérieux.
Disquette 3,5 pouces
Bien conscient que j’ai chez moi une machine incroyable, je finis par acheter l’année suivante un moniteur couleur pour mon Atari ST et je commence à explorer les capacités de la bête dans mon antre. J’avais lu le test du jeu Defender of The Crown et j’hallucinais devant les photos d’écran. Les graphismes étaient à tomber et je me suis tout naturellement précipité sur la première compilation de jeux où l’on pouvait le trouver.
Rapidement je me familiarise avec l’environnement graphique et l’utilisation de la souris. La beauté de Defender of the Crown, la musique digitalisée d’intro du jeu Starglider ont tôt fait de me convaincre d’aller plus loin. Comment avais-je pu laisser dormir cet ordinateur de dingue tout ce temps dans son carton ?
Mes premiers jeux sur ST
Defender of the Crown
Les deux jeux qui m'ont fait plonger dans l'Atari ST
Je finis par acheter Dungeon Master et là c’est une claque ! Le jeu est tout simplement parfait. En fait, chaque jeu sur cette nouvelle machine me semble exceptionnel tant l’expérience visuelle et sonore est supérieure à mon Amstrad monochrome.
Il se trouve qu’au lycée, plusieurs personnes possèdent la même machine et ont des jeux à échanger. Je récupère quelques disquettes et rapidement tout s’enchaine. J’apprends vite et ne tarde pas à construire un réseau similaire à ce que j’avais fait avec mon Amstrad au collège.
Je me suis mis au langage GFA qui ressemblait à un mix de Basic et de Pascal. La programmation dans ce langage était agréable et efficace.
Tout comme auparavant, je commençai à signer les copies de jeux que je distribuais de mon nouveau nom, Questor (le nom de l’elfe dans le jeu Gauntlet) en ajoutant un message ou un logo au démarrage de mes copies.
Degas Elite et Neochrome devinrent mes programmes de dessin de prédilection.
Comme sur Amstrad je m’efforçais d’obtenir un maximum d’utilitaires.
J’étoffais ma configuration en achetant un moniteur monochrome pour bénéficier de la haute résolution propice au travail de bureautique. J’ajoutais de la mémoire à mon ST le passant à 2,5Mo de RAM. Vint ensuite un second lecteur de disquette pour accélérer les copies qui ne cessaient d’être de plus en plus chronophage.
J’ai commencé à trainer sur minitel, plus particulièrement sur le 3614 RTEL. L’avantage de ce service télématique était qu’il n’était pas surtaxé comme le 3615. Toute la flibusterie française venait virtuellement trainer ici alors qu’internet n’était encore que de la science-fiction. On pouvait y discuter anonymement en groupe et en privé.
J’y trouvai notamment deux solides contacts. L’un d’entre eux avait une source en logiciels "déplombés" aux Pays-Bas et l’autre en Italie. Cela me donnait accès à deux réseaux d’approvisionnement en nouveautés que je pouvais alimenter l’un avec l’autre.
Deux fois par semaine je recevais des paquets de disquettes que je copiais et renvoyais à la demande. Pour limiter les frais, nous badigeonnions de colle UHU les timbres sur nos paquets de façon à les couvrir d’une couche transparente. Cela nous permettait en les frottant à l’arrivée d’enlever toute trace de tampon de la poste et de les réutiliser. Flibustiers jusqu’au bout !
Neochrome
Degas Elite
Cinemaware avait pour objectif de créer des jeux CD-ROM pressentant que c'était le support de l'avenir. Malheureusement pour eux, le décollage du CD fut lent, à tel point que la société ferma ses portes avant son avènement. Leurs jeux sont mémorables et s'approchaient du film intéractif. Defender of the Crown vous transportait en Angleterre en plein moyen âge. A vous les tournois, les combats de siège et les accortes princesses.
Ce jeu se déroule dans un univers médiéval-fantastique. Il est considéré comme une formidable avancée dans le domaine du jeu vidéo de rôle à l'époque. Il innove en effet en matière de présentation en proposant un monde en trois dimensions que le joueur observe en vue subjective et dans lequel l'action se déroule en temps réel. Il innove également en matière d'interaction en abandonnant l'interface textuelle au profit d'une interface basée sur l'utilisation de la souris plutôt que du clavier.
Combien de fois n'ai-je sursauté surpris par un monstre au détour d’un couloir. L’ambiance sonore était oppressante et jouer en pleine nuit dans sa chambre augmentait l’immersion.
C'est l’archétype du jeu de simulation divine (god game), un type de jeu dans lequel le joueur incarne une divinité toute puissante. On a la responsabilité d'un peuple que l'on doit faire prospérer en manipulant le paysage afin de combattre l'autre peuple ennemi. L’originalité de ce jeu m’a tout de suite plu. Plus tard quand j’ai disposé de plusieurs ST, nous avons même fait des parties à deux l’un contre l’autre avec mon frère en reliant les machines à l’aide d’un câble.
C'est un jeu de stratégie au tour par tour grandement inspiré du jeu de plateau Risk. On pouvait y jouer jusqu'à six joueurs. Je me souviens de parties endiablées avec mon frère et un copain à lui. On passait chacun son tour devant l'écran pour établir nos stratégies sans que les autres ne regardent. Ensuite, on attendait anxieusement le résultat des opérations.
Ce jeu de foot futuriste et violent était idéal pour s’affronter entre frangins. La réalisation des Bitmap Brothers était parfaite et nos parties acharnées.
Déjà excellent sur Amstrad, International Karate Plus était magnifique sur Atari ST. L’animation et l’ambiance sonore nous galvanisaient dans nos combats et les petits clins d’œil humoristiques nous faisaient bien marrer.
Ce jeu de bagnoles 3D nous faisait courir sur des pistes acrobatiques qui nous faisaient bringuebaler dans tous les sens. La 3D apportait une fluidité impressionnante. Tout comme avec Populous, quand j’ai eu à disposition plusieurs ST, nous pouvions jouer à deux en les reliant à l’aide d’un câble.
Sim City est un jeu de gestion de ville. Vous créez la géographie de votre ville de façon à en favoriser l'essor. J'adorais ce jeu au concept innovant. Je m'aperçus plus tard que mes parties commencées sur Atari ST pouvaient être reprises dans la version PC MS-DOS.
Ce jeu de tennis tire tout son intérêt de sa réalisation 3D osée permettant des animations ultra-fluides. Les joueurs sont représentés avec des polygones plutôt qu'avec les traditionnels sprites. Ce que l'on perd en réalisme de représentation des joueurs, on le gagne en réalisme de l'animation. La caméra est toujours au plus près de votre joueur, l'angle du terrain s'adaptant au fur et à mesure de l'action. Le jeu à deux était un vrai bonheur.
J’ai intégré sur le tard un obscure groupe, le BBC (Best Brain Corporation).
J’étais au lycée de 1988 à 1990. Nombreux étaient ceux qui avaient un Amstrad CPC. Tous ceux qui avaient une machine de "nouvelle génération" avaient un Atari ST ou un PC Amstrad. Ce n’est qu’en classe de terminal qu’un gars a eu un Amiga. Je n’ai par conséquent pas vécu la "guerre ST/Amiga" à cette époque même si à travers la presse et dans mes rencontres télématiques j’en entendais parler.
Plus tard lors de mes études, les gens que j’ai côtoyés qui avaient un ordinateur avaient soit un PC, soit un Mac et un musicien avait un Atari ST.